L’évaluation neuropsychologique
- 14 oct.
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La compréhension du cerveau humain m'a toujours passionnée et intriguée. Cette curiosité incessante est la raison de mon intérêt dans l'évaluation neuropsychologique. Je réalise des évaluations neuropsychologues depuis 2018 en cabinet libéral après une courte passage en milieu hospitalier. Il est certain que les outils changent, les méthodes se transforment, mais le processus est toujours le même.
Pour vous parler de ce même processus d'évaluation neuropsychologique, j’aimerais commencer par explorer à quoi sert un bilan neuropsychologique. En réalité, un bilan neuropsychologique est un outil à une fin et pas un divertissement.
L'évaluation neuropsychologique peut assumer diverses fonctions, notamment l'exploration du fonctionnement cognitif (les pensées), émotionnel et comportemental en faisant le lien avec le fonctionnement cérébral de la personne. Non, il n'est pas nécessaire de voir votre cerveau, mais le faire travailler à travers des tests standards (c'est-à-dire bien étudiés) et des entretiens cliniques approfondis. Ces bilans peuvent servir à :
Objectiver des troubles cognitifs, comme c'est le cas des difficultés de mémoire, d'attention et des fonctions exécutives. Ces mesures permettent de quantifier les difficultés.
Aider au diagnostic différentiel en apportant de l'information sur le fonctionnement du cerveau. Il est possible de distinguer entre une atteinte acquise ou neurodéveloppementale (depuis la naissance) pour mieux informer un potentiel diagnostic.
Évaluer l’impact fonctionnel, notamment d’estimer comment les difficultés évaluées peuvent interférer avec la vie quotidienne de la personne. Cette partie de l'évaluation a pour but d'adapter la prise en charge, de conseiller la famille et la personne, et d'évaluer la capacité de la personne.
Suivre l'évolution et l'efficacité d'une prise en charge, même que ces évaluations soient moins fréquentes dans le suivi en libéral, il est aussi possible de vérifier l'impact d'une chirurgie, médicament ou prise en charge.
Indépendamment de leur fonction, il est important que chaque évaluation neuropsychologique assume une approche globale, en évaluant les émotions, la motivation, le comportement, mais aussi le contexte de la personne, pour mieux comprendre la cognition et la personne dans son ensemble. J’ai appris que certains de mes patients appellent cette approche d’évaluation 360° et que cela était ma marque personnelle. Au final, même quand je veux, je ne sais pas faire simple.
Avant d'aborder le processus d'évaluation neuropsychologique, il est important de mentionner une erreur que je vois constamment. C'est l'erreur de passer des tests et de se fier uniquement aux chiffres. J'ai l'habitude de dire que les chiffres ne parlent pas seuls. Il faut leur donner de la matière et pour cela, il est obligatoire d'investiguer l'histoire de vie de la personne. Imaginez-vous bien qu'un test de la mémoire peut donner les mêmes chiffres à une personne qui est dyslexique ou une personne qui a eu un traumatisme crânien. Les chiffres sont les mêmes, mais l'interprétation n'est pas la même et cela change en fonction du récit de l’information recueille. Maintenant que j'ai mis tout le monde en garde, il est important important de revenir au processus.

L'évaluation neuropsychologique peut être divisée en cinq étapes, notamment le (1) premier rendez-vous, la (2) passation des tests, la (3) cotation et analyse des résultats, la (4) restitution des résultats et la (5) prise en charge et/ou aménagements.

Le premier rendez-vous sert à faire connaissance avec la personne, sa demande et son profil quotidien. Lors de ce rendez-vous, lequel peut être divisé en divers moments, le neuropsychologue posera des questions pour mieux comprendre divers sujets (ex : histoire de famille, histoire clinique, scolarité, travail, liens sociaux, gestion quotidienne). Lors de ce premier rendez-vous, le neuropsychologue a commencé à réaliser un diagnostic différentiel. C'est à savoir qu'il pose des questions pour écarter des possibilités. Il ne se focalise pas sur une condition, mais pose diverses questions pour retenir que quelques (ou une) hypothèses. Cette hypothèse est alors associée au profil de la personne (ex : âge, demande, troubles médicaux et/ou physiques associés) pour déterminer les tests et outils à utiliser. Les tests à utiliser sont, parfois, recommandés par les institutions de santé (ex : Haute Autorité de Santé), mais il peut avoir une certaine liberté dans le choix.

La passation des tests est un ensemble de séances qui se doit flexible et ajustable à la personne et aux outils utilisés. Une grande majorité des professionnels et services de santé font des séances longues avec tous les tests agglomérés. J’ai en effet appris à le faire de cette manière, mais avec le temps, j’ai compris que je préférais voir la personne plusieurs fois pour avoir une représentation plus fiable et plus proche de son quotidien.
Lors de la passation des tests, lesquels ont été choisis pour investiguer les hypothèses initiales, le neuropsychologue va aussi observer et poser des questions. Le but n'est pas d'avoir un ensemble de chiffres, mais un vécu et une représentation des difficultés et forces de la personne en évaluation.

Suite à la passation des tests, je rentre dans une étape la plus solitaire. Lors de cette phase de cotation et analyse des résultats, je reprends chaque test pour le coter, ce qui signifie obtenir des chiffres, et pour l'interpréter. Cette phase d'interprétation est faite en deux étapes car je commence par comprendre ce que le test explique sur la personne, et puis je dois lui donne un sens dans l'ensemble globale des tests et des observations. Le but est toujours de les rendre compréhensibles et utiles.
Cette phase prend plusieurs semaines car interpréter tous les tests, revoir les enregistrements (ex : pour l'ADOS-2), parfois aller rechercher de l'information additionnelle et écrire un compte rendu de plusieurs pages est très chronophage. J'ai l'habitude de prendre autant de temps pour cette phase que j'ai pris à être avec la personne à évaluer. C'est un vrai travail de fourmis !

Une fois que j’ai le compte rendu imprimé, c’est le moment de revoir la personne et, d’avec elle, revoir tous les tests utilisés et leurs résultats en les intégrant pour donner un sens et un but. Cette phase de restitution des résultats est essentielle dans le soin de la personne qui vient me voir avec plein de questions. Le but est de répondre à ses questions, donc je commence chaque séance en mentionnant que je ne souhaite pas un monologue, mais une conversation où la personne peut me questionner (et même couper me la parole).

Finalement, une évaluation est utile quand elle donne des directions futures. Au final, la personne est en recherche d'informations, renseignements, stratégies, de soutien et/ou d'aménagements. Cette dernière phase de prise en charge et/ou aménagements, qui est souvent un début pour la personne, est un pont vers un futur plus éclairé.
Je ne peux certainement accueillir toute personne en suivi psychothérapeutique, mais je propose toujours, dans la mesure du possible, des séances de psychoéducation, des ressources à lire ou à écouter ou même le nom d’un de mes confrères.
Cet article a comme objectif de rendre le processus d'évaluation neuropsychologique plus transparent et plus prévisible essentiellement pour ceux qui pensent s'aventurer dans la réalisation de ce processus. Pour ces personnes, j'aimerais terminer l'article en mentionnant que l'évaluation neuropsychologique n'est pas un moment de jugement et de comparaison. Est un moment de découverte de son fonctionnement !
À très bientôt.
Patricia Pereira
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